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Vous prendrez bien une rasade de « Draghinomics » ?
On attend en 2015 la mise en place par la BCE de mesures d'assouplissement quantitatif pour relancer la croissance dans la zone euro. Mais son président Mario Draghi a prévenu : pas question de lâcher sur le front des réformes.
Il y a deux ans, l'élection de Shinzo Abe au poste de Premier ministre du Japon conduisait à l'élaboration des « Abenomics, » programme destiné à extraire l'économie d'une difficile situation de stagnation et de déflation. Les trois composantes des Abenomics - les fameuses « flèches » - consistent en une relance monétaire massive sous forme d'assouplissement quantitatif et qualitatif (QQE), impliquant davantage de crédit pour le secteur privé ; en une relance budgétaire à court terme suivie d'une consolidation censée réduire les déficits et rendre viable la dette publique ; ainsi qu'en réformes structurelles destinées à renforcer l'économie de l'offre et la croissance potentielle.
Voici désormais que la BCE - si l'on en croit le récent discours de Jackson Hole prononcé par son président Mario Draghi - semble envisager un programme similaire pour la zone euro. Le premier pilier des « Draghinomics » consisterait ainsi en une accélération des réformes structurelles nécessaires à la dynamisation du potentiel de croissance dans la zone euro. Pour autant, Mario Draghi a aussi admis que la reprise anémique de la zone euro reflétait non seulement un certain nombre de difficultés structurelles, mais également l'existence de facteurs cycliques dépendant davantage de la demande globale que des contraintes liées à l'offre globale. Ainsi les mesures destinées à accroître la demande sont-elles également nécessaires.
C'est alors qu'intervient la deuxième flèche des « Draghinomics », consistant à réduire les obstacles à la croissance grâce à une consolidation budgétaire. Une certaine flexibilité existe quant au calendrier à tenir, d'autant plus qu'une importante austérité a fait son apparition, et que les marchés font preuve d'une moindre inquiétude quant à la viabilité de la dette publique. En outre, bien qu'il soit possible que les Etats périphériques de la zone euro aient besoin d'une plus forte consolidation, certains pays constituant son noyau - tels que l'Allemagne - seraient en mesure de procéder à une expansion budgétaire temporaire (moins d'impôts et davantage d'investissement public) afin de stimuler la demande et la croissance sur le plan national.
La troisième composante des « Draghinomics » impliquera assouplissement quantitatif et desserrement du crédit, sous la forme d'achats d'obligations publiques et de mesures destinées à dynamiser la croissance du crédit dans le secteur privé. Les perspectives d'inflation pourraient bientôt justifier la mise en oeuvre d'un assouplissement quantitatif (QE) du type de celui effectué par la Réserve fédérale américaine, la Banque du Japon et la Banque d'Angleterre : achats purs et simples, à grande échelle, des obligations souveraines des membres de la zone euro. Il est probable que ce QE débute d'ici au début de l'année 2015.
Assouplissement quantitatif et desserrement du crédit sont susceptibles de modifier les perspectives d'inflation et de croissance dans la zone euro via plusieurs courroies de transmission. Il se pourrait que les rendements des obligations à plus court et plus long terme, au coeur et à la périphérie de la zone euro - ainsi que les spreads de crédit à cette périphérie - diminuent encore davantage, abaissant le coût du capital pour les secteurs public et privé. La valeur de l'euro pourrait ainsi diminuer, boostant la compétitivité et les exportations nettes. Les marchés boursiers de la zone euro pourraient alors grimper, générant des effets de richesse positifs. La perspective d'un QE s'étant faite de plus en plus probable au cours de l'année, les prix des actifs se sont d'ores et déjà orientés à la hausse, comme prévu.
Cette évolution des prix des actifs ainsi que l'existence de mesures de développement de la croissance du crédit dans le secteur privé sont susceptibles de dynamiser la demande globale et d'accroître les prévisions d'inflation. Nul ne saurait par ailleurs sous-estimer l'effet sur l'« animal spirit » - confiance des consommateurs, des entreprises et des investisseurs - qu'un engagement crédible de la BCE à s'attaquer à une croissance lente et à une faible inflation pourrait engendrer.
Mario Draghi a fait valoir, à juste titre, que l'efficacité du QE exigeait que les gouvernements appliquent plus rapidement un certain nombre de réformes structurelles du côté de l'offre, et veillent à un juste équilibre entre une certaine souplesse budgétaire à court terme et une austérité à moyen terme. Au Japon, bien que le QQE et la relance budgétaire aient permis de booster la croissance et l'inflation à court terme, la croissance est actuellement mise à mal par le manque d'avancées s'agissant de la troisième flèche des réformes structurelles, ainsi que par les effets de l'actuelle consolidation budgétaire.
Comme au Japon, il est nécessaire de déployer chacune des trois flèches constituant les « Draghinomics » si la zone euro entend peu à peu retrouver compétitivité, croissance, création d'emplois, ainsi que viabilité de la dette à moyen terme dans les secteurs privé et public. ■
Nouriel Roubini, est président de Roubini Global Economics et professeur d'économie à la Stern School of Business de l'université de New York.
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GS
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